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mercredi 10 janvier 2018

L'eau c'est faussement calme !


2 commentaires:

  1. Le chant de l'eau

    L'entendez-vous, l'entendez-vous
    Le menu flot sur les cailloux ?
    Il passe et court et glisse
    Et doucement dédie aux branches,
    Qui sur son cours se penchent,
    Sa chanson lisse.

    Là-bas,
    Le petit bois de cornouillers
    Où l'on disait que Mélusine
    Jadis, sur un tapis de perles fines,
    Au clair de lune, en blancs souliers,
    Dansa ;
    Le petit bois de cornouillers
    Et tous ses hôtes familiers
    Et les putois et les fouines
    Et les souris et les mulots
    Ecoutent
    Loin des sentes et loin des routes
    Le bruit de l'eau.

    Aubes voilées,
    Vous étendez en vain,
    Dans les vallées,
    Vos tissus blêmes,
    La rivière,
    Sous vos duvets épais, dès le prime matin,
    Coule de pierre en pierre
    Et murmure quand même.
    Si quelquefois, pendant l'été,
    Elle tarit sa volupté
    D'être sonore et frémissante et fraîche,
    C'est que le dur juillet
    La hait
    Et l'accable et l'assèche.
    Mais néanmoins, oui, même alors
    En ses anses, sous les broussailles
    Elle tressaille
    Et se ranime encor
    Quand la belle gardeuse d'oies
    Lui livre ingénument la joie
    Brusque et rouge de tout son corps.

    Oh! les belles épousailles
    De l'eau lucide et de la chair,
    Dans le vent et dans l'air,
    Sur un lit transparent de mousse et de rocailles ;
    Et les baisers multipliés du flot
    Sur la nuque et le dos,
    Et les courbes et les anneaux
    De l'onduleuse chevelure
    Ornant les deux seins triomphaux
    D'une ample et flexible parure ;
    Et les vagues violettes ou roses
    Qui se brisent ou tout à coup se juxtaposent
    Autour des flancs, autour des reins ;
    Et tout là-haut le ciel divin
    Qui rit à la santé lumineuse des choses !

    La belle fille aux cheveux roux
    Pose un pied clair sur les cailloux.
    Elle allonge le bras et la hanche et s'inclina
    Pour recueillir au bord,
    Parmi les lotiers d'or,
    La menthe fine ;
    Ou bien encor
    S'amuse à soulever les pierres
    Et provoque la fuite
    Droite et subite
    Des truites
    Au fil luisant de la rivière.

    Avec des fleurs de pourpre aux deux coins de sa bouche,
    Elle s'étend ensuite et rit et se recouche,
    Les pieds dans l'eau, mais le torse au soleil ;
    Et les oiseaux vifs et vermeils
    Volent et volent,
    Et l'ombre de leurs ailes
    Passe sur elle.

    Ainsi fait-elle encor
    A l'entour de son corps
    Même aux mois chauds
    Chanter les flots.
    Et ce n'est qu'en septembre
    Que sous les branches d'or et d'ambre,
    Sa nudité
    Ne mire plus dans l'eau sa mobile clarté,
    Mais c'est qu'alors sont revenues
    Vers notre ciel les lourdes nues
    Avec l'averse entre leurs plis
    Et que déjà la brume
    Du fond des prés et des taillis
    S'exhume.

    Pluie aux gouttes rondes et claires,
    Bulles de joie et de lumière,
    Le sinueux ruisseau gaiement vous fait accueil,
    Car tout l'automne en deuil
    Le jonche en vain de mousse et de feuilles tombées.
    Son flot rechante au long des berges recourbées,
    Parmi les prés, parmi les bois ;
    Chaque caillou que le courant remue
    Fait entendre sa voix menue
    Comme autrefois ;
    Et peut-être que Mélusine,
    Quand la lune, à minuit, répand comme à foison
    Sur les gazons
    Ses perles fines,
    S'éveille et lentement décroise ses pieds d'or,
    Et, suivant que le flot anime sa cadence,
    Danse encor
    Et danse.

    Emile Verhaeren (1855-1916)

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    1. Je ne m'attendais que, par toi, Mélusine vienne enchanter cette photo.... :-)

      Merci !

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